Bonjour. Bienvenue au MOOC : Restructuration des quartiers précaires des villes africaines. Notre vidéo d'aujourd'hui est consacrée aux programmes d'amélioration des quartiers précaires, à travers l'exemple du Sénégal. Cet exemple est intéressant à plus d'un titre. Le pays multiplie en effet les expériences depuis la fin des années 1950, et vit donc une sorte d'éternel recommencement avec, encore aujourd'hui, l'intervention à Pikine Irrégulier Sud, le lieu même où il y a eu plus d'un demi-siècle le recasement des premiers ménages déguerpis du continent. Dès 1950, en effet, la densification de la médina et l'apparition des premiers bidonvilles tout autour, à Colobane et à Fass, avaient conduit les autorités à prendre la décision de les éradiquer en les transférant à l'extérieur de la ville, à Pikine, à 15 kilomètres du Plateau, où des parcelles de 200 mètres carrés sont distribuées aux ménages qui devaient s'occuper eux-mêmes de construire leurs habitations. À l'indépendance, en 1960, on assiste à l'accentuation de la pression urbaine et à la diffusion des quartiers précaires à Dakar. Les opérations de déguerpissement s'intensifient cette fois vers de nouveaux lotissements : Grand Yoff et Pikine, en 1965, puis Pikine-Extension en 1967, et vers Guédiawaye en 1971. L'élaboration, en 1967, d'un plan de développement urbain, dit plan Ecochard, tente une planification du développement de Dakar, mais le manque de ressources conduit à limiter les opérations de déguerpissement, et à s'orienter vers la production de logements sociaux, par le biais de l'Office public de l'HLM et la SICAP. La crise des années 1970 et 1980 va stopper net les programmes de logement et orienter l'action des pouvoirs publics vers la production massive de parcelles assainies. Ainsi, près de 400 hectares sont aménagés près du petit village de Cambérène, dont les parcelles de 150 à 300 mètres carrés sont distribuées aux ménages, payables à crédit. Mais la plupart de ces parcelles échappe aux pauvres, pour revenir aux catégories moyennes et solvables. Nous examinerons donc cet exemple suivant le plan que voici, en 4 points. Dans un premier temps, je vous communiquerai des données sur le Sénégal. Ensuite, nous passerons en revue les principales opérations, pour finir par regarder, en détail, le programme qui est actuellement en cours à Pikine Irrégulier Sud. Le Sénégal est un pays peuplé de 14 millions d'habitants en 2014, et Dakar, sa capitale, abrite environ 3 millions d'habitants, soit presque la moitié de sa population urbaine. Ce pays a connu une urbanisation soutenue, puisqu'en 2013, on comptait environ 45 pour 100 d'urbains, contre 40 pour 100 en 2002. Il connaît également un déficit important en logements d'environ 150 000 unités, ce qui correspond à une forte demande d'environ 2 000 logements par an. Naturellement, l'habitat précaire existe sous différentes formes, entre les bidonvilles stricto sensu et les quartiers dont la consolidation est en cours depuis plusieurs années. Nous allons matérialiser sur le croquis de la région urbaine de Dakar les principales opérations qu'il y a eu, depuis 1952 jusqu'à aujourd'hui. Alors, les premières opérations sont parties de la situation de développement des bidonvilles dans les quartiers de Colobane et Fass, et les premiers relogements ont eu lieu ici, à Pikine, à environ 15 kilomètres du Plateau de Dakar. Par la suite, en 1957, les premières extensions de Pikine se feront ici, à Pikine Dagoudane, et à Grand Yoff, en 1965. L'extension de Pikine va se poursuivre en 1967, et par la suite, les opérations de restructuration vont être reportées à la commune de Guédiawaye. [AUDIO_VIDE] À côté de ces principales interventions qui ont structuré l'agglomération dakaroise, d'autres opérations de restructuration de quartiers précaires ont eu lieu. Il s'agit essentiellement des opérations Dalifort et de Fass Mbao. Souvenez-vous ce que je vous disais du sommet de Vancouver, en 1976. Il a été décidé, au cours de ce sommet, de promouvoir la durabilité écologique des villes, et c'est cela qui a abouti à l'assouplissement des politiques d'éviction, et l'expérimentation d'une autre voie. La restructuration du quartier de Dalifort entre dans cette perspective. Le quartier a accueilli, en 1987, le projet pilote de restructuration quand l'État du Sénégal a décidé de reconsidérer la politique du bulldozer. Avec l'appui de la coopération technique allemande, il s'est engagé dans l'aménagement de 700 parcelles d'habitation, pour accueillir environ 7 000 habitants. Puis ce fut le tour de l'opération Fass Mbao, en 1993 ; 10 000 habitants étaient concernés par un programme conçu en 3 composantes. La première composante concernait la régularisation foncière, c'est-à-dire l'identification des bénéficiaires, l'indemnisation des ménages décasés, l'attribution de titres fonciers, avec la création d'un groupement d'intérêt économique des habitants. La seconde composante concernait la restructuration physique : le traitement des voiries, le drainage des eaux, la création d'équipements. Enfin, une troisième composante qui concernait la participation financière des habitants au financement des équipements. C'est cette dernière composante qui a, entre guillemets, plombé le projet, puisque la contribution financière des ménages a été très en-deçà de ce qui était attendu. Par la suite, le gouvernement du Sénégal créera la fondation Droit à la Ville, pour appuyer la restructuration des quartiers précaires dans tout le Sénégal. La dernière opération en cours est celle de Pikine Irrégulier Sud. Cette opération se déroule à Pikine, plus précisément à Pikine Irrégulier Sud, et concerne un grand projet de restructuration à fort impact social, dans le but de remédier à la précarité des constructions et au déficit en infrastructures de base. C'est un programme qui concerne environ 250 000 habitants installés sur 800 hectares, sur les 5 communes d'arrondissement que sont Guinaw Rail, Guinaw Rail Nord, Tivaouane Diacksao, Thiaroye Gare, et Diamageune Sicap Mbao. Le programme élaboré concerne d'abord le drainage des eaux de pluie. Ensuite, il s'agit de protéger les zones d'habitation des eaux de ruissellement : environ 5 200 mètres de réseau primaire sont prévus, ensuite 15 kilomètres de réseau secondaire qui concernent les voiries, les aires de stationnement, le rétablissement des voies d'accès, et l'aménagement de voies secondaires. Ce tableau fait ressortir que le financement de ce programme est assuré, pratiquement à parts égales, entre l'État du Sénégal, l'IDA et la coopération française, l'AFD. Bien que les études préliminaires soient achevées depuis 2012, et les avant-projets détaillés en 2013, on est encore, à l'heure actuelle, dans la validation du plan d'action de réinstallation qui donnera véritablement le coup d'envoi des opérations de recasement. On le voit, entre les premières estimations du projet, qui étaient faites en 2007, et le démarrage des travaux, il se sera écoulé presque 8 années, une durée somme toute normale pour voir aboutir ce genre de projet. Les illustrations qui suivent sont celles du quartier de Pikine, plus précisément de Pikine Irrégulier Sud, pour montrer, d'une part, la densité des habitations dans cette partie de Dakar, mais également l'existence de zones inondables, qui constituent un peu les limites de construction dans une partie difficilement aménageable du quartier. Pour conclure sur cet exemple du Sénégal, nous pouvons faire observer que depuis le milieu des années 1950, le Sénégal est engagé dans des opérations de restructuration, sans discontinuité, et sans pour autant qu'il arrive à éradiquer totalement le phénomène. Cela s'apparente donc à une sorte d'impuissance, mais surtout à un manque manifeste de contrôle de la croissance des villes, et particulièrement de celle de Dakar qui rayonne sans relais sur tout le pays. Pourtant, nous sommes ici dans l'un des pays d'Afrique qui fait le plus d'efforts en matière de construction de logements et de fourniture de parcelles assainies, pour combler le fossé entre l'offre publique de logement et la demande émanant des diverses catégories de population. [AUDIO_VIDE]