Bonjour. Bienvenue au MOOC : Villes africaines, environnement et enjeux de développement. Aujourd'hui, nous traiterons de la problématique de l'assainissement pluvial dans les villes africaines. Les inondations dans les villes d'Afrique subsaharienne sont des phénomènes de plus en plus fréquents. La maîtrise et la gestion des eaux pluviales deviennent donc aujourd'hui un enjeu fort pour les élus locaux responsables de l'aménagement urbain, soucieux d'assurer la sécurité et le confort de leurs administrés. Mieux gérer le ruissellement, c'est non seulement lutter contre le risque d'inondation, mais aussi contribuer à limiter les rejets polluants au niveau du milieu naturel. Dans cette leçon, nous allons, dans un premier temps, présenter les principaux enjeux liés à la gestion des eaux pluviales en milieu urbain, ainsi que les caractéristiques des ouvrages utilisés pour le drainage des eaux pluviales. Dans un troisième temps, nous analyserons les facteurs contraignants liés au fonctionnement des réseaux. Enfin, nous terminerons par la présentation de quelques solutions innovantes pouvant améliorer la gestion des eaux pluviales. Concernant les enjeux, nous pouvons dire que l'urbanisation croissante du continent africain s'accompagne de nouveaux défis en matière de gestion des eaux pluviales. La pluie est un élément vital pour l'homme et son environnement. Cependant, les épisodes pluvieux peuvent engendrer des volumes et des flux d'eau qui sont parfois difficiles à maîtriser. Les eaux de pluie ont des impacts, notamment, sur la santé, car les inondations et les mares stagnantes constituent des risques sanitaires pour les habitants, à cause des épidémies, des dommages corporels et matériels, et des gênes qu'elles peuvent engendrer. Sur le foncier et les équipements urbains, les écoulements violents d'eaux pluviales et la stagnation de l'eau suite aux précipitations peuvent détériorer, voire détruire, le milieu urbain, à travers les glissements de terrain, la dégradation ou la destruction des habitations, des bâtiments et autres équipements publics fournissant les services de base. Quant à l'impact sur l'environnement, les eaux pluviales, en contact avec les eaux usées, les déchets solides, la voirie urbaine, se chargent de polluants susceptibles d'être à l'origine des contaminations du milieu naturel lors de leur rejet sans traitement. Quelles sont les principales caractéristiques des réseaux mis en place pour la gestion des eaux pluviales dans les villes africaines? Les villes africaines ont, pour la plupart, hérité du concept dit hygiéniste de l'assainissement pluvial, basé sur l'évacuation rapide des écoulements à travers un réseau de conduits ou des caniveaux qui convergent vers un exutoire, afin qu'ils ne provoquent pas d'inondation. Le réseau de collecte des eaux pluviales est hiérarchisé à 3 niveaux : un réseau primaire, constitué de collecteurs bétonnés à ciel ouvert ou enterrés, de marivaux intermittents, ou de chenaux aménagés ou non ; un réseau secondaire, constitué de caniveaux situés le plus souvent le long de la voirie, certains sont couverts par des dalles, d'autres sont à ciel ouvert ; un réseau tertiaire de fossés en terre ou maçonnés. Ce réseau de drainage, pour la plupart des villes, couvre de manière partielle le territoire communal. Les ouvrages sont généralement réalisés dans le cadre de la construction des nouvelles voies, de la réhabilitation de voiries existantes ou de la viabilisation des zones à urbaniser ou, de façon marginale, par des particuliers. Si le choix du concept hygiéniste s'est justifié, a priori, dans des pays ou villes où prédominent encore les maladies hydriques, le fonctionnement des réseaux existants est soumis à des contraintes. Quelles sont donc ces contraintes? En effet, ce modèle de réseau rencontre des contraintes qui sont à l'origine des dysfonctionnements observés sur ces équipements. Les contraintes sont de plusieurs ordres. Les premières sont d'ordre naturel. En effet, le régime pluviométrique de l'Afrique subsaharienne rend l'évacuation des eaux pluviales plus difficile et plus onéreuse, car elle nécessite des ouvrages de dimension plus importante. Les risques d'inondation dépendent aussi des fluctuations du niveau des cours d'eau. Par ailleurs, les spécialistes pensent que le changement climatique vont entraîner dans certaines zones des périodes de sécheresse ou de précipitations importantes et violentes. Ces dernières feront courir des risques importants d'inondations. Les caractéristiques du bassin versant, relief, taille, nature du sol, plan d'occupation des sols, comme nous pouvons le voir sur ces images, influent sur le choix des options techniques de drainage. La première contrainte liée à l'urbanisation concerne l'extension et la densification des zones urbaines. Avec un taux d'accroissement naturel d'environ 4 %, on est face à une extension et une densification de l'espace urbain, qui vont engendrer des zones périphériques dépourvues d'un système d'assainissement pluvial. Dans ces zones, le drainage se fait par des chénaux d'écoulement naturel vers des cuvettes, excavations ou zones plus basses, où les eaux de ruissellement sont éliminées lentement par infiltration et/ou par évaporation. Cette urbanisation croissante, avec notamment le développement de l'habitat et de la voirie revêtue, contribue à accroître le taux d'imperméabilisation des sols. Cette situation est à l'origine de l'augmentation des flux d'eau de ruissellement, limitant ainsi les possibilités de recharge des nappes phréatiques. La seconde contrainte liée à l'urbanisation concerne la dégradation ou l'absence de couvert végétal, en amont et à l'intérieur de l'espace urbain. En effet, en amont, elle contribue à accroître le ruissellement des eaux du bassin versant ; et à l'intérieur de l'espace urbain, elle entraîne l'accélération de la vitesse et l'augmentation du volume des eaux de ruissellement. Cette situation est à l'origine de l'érosion des sols, des glissements de terrain, des coulées de boue, et aussi au colmatage des réseaux, dû au transport des détritus solides. Enfin, la troisième contrainte liée à l'urbanisation concerne l'absence de planification et la non maîtrise du foncier. Celles-ci sont à l'origine d'un développement urbain anarchique et incontrôlé. Ainsi, plusieurs quartiers se sont développés, ou se développent, dans des zones non constructibles car inondables. Ces espaces, marécages, bas-fonds ou zones d'érosion, sont prisés non seulement par les habitants à faibles revenus, mais aussi par d'autres personnes à revenus modestes, voire aisés. En se densifiant, ces espaces causent d'énormes problèmes, tels que inondations, glissements de terrain, destruction des habitations, gêne, comme nous pouvons le voir sur ces images. Quant aux contraintes liées à la gestion des eaux pluviales, elles sont liées, d'une part, au manque de connaissances. En effet, dans de nombreuses villes, les données pluviométriques manquent ou sont obsolètes, ou inaccessibles ; et lorsqu'il en existe, celles-ci sont sujettes à controverse, car les instruments de mesure pour les dispositifs de collecte ne sont pas fiables. Par ailleurs, les options alternatives et complémentaires existantes sont peu connues et encore moins appliquées dans les pays africains. D'autre part, ces contraintes sont dues au manque de coordination entre les acteurs et à l'inadéquation entre la planification et les capacités locales. Plusieurs villes se sont dotées des schémas directeurs de gestion des eaux pluviales, mais ils n'ont été partiellement, voire pas du tout, mis en œuvre, à cause du coût très élevé des options techniques proposées, qui dépasse de loin les capacités d'investissement des municipalités et des États. Bien que destiné à l'évacuation des eaux pluviales, le réseau est aussi utilisé pour l'évacuation des eaux usées domestiques, ou sert de réceptacle aux déchets ménagers. Ces pratiques sont courantes dans les zones d'habitat ou les quartiers dépourvus d'ouvrages d'assainissement reliés à une fosse, ou d'un système adéquat de gestion des déchets solides. Elle demande à ce que soient développées non seulement des techniques d'entretien appropriées, mais aussi des actions portant sur la sensibilisation des usagers au fonctionnement convenable des réseaux. Les ouvrages de drainage sont des véritables césures au cœur des quartiers qui exigent l'implantation des ouvrages de franchissement. Ces ouvrages permettent, en effet, de rétablir une fluidité du trafic pour les riverains et autres usagers des voies attenantes. Leur absence, ou leur nombre insuffisant, amènent certains riverains à faire des aménagements clandestins en certains endroits du tronçon. Ces passerelles bricolées sont faites de bois et de matériaux de récupération sur pieux ou sur planches posées sur débris. Elles présentent des inconvénients. La sécurité des usagers, en raison de l'absence de garde-fous, n'est pas assurée et ces derniers ne sont pas à l'abri d'une chute ou d'un accident. Et l'écoulement des eaux est entravé par ces ouvrages, qui forment progressivement des petits barrages au cœur des canaux. Les ouvrages de drainage nécessitent, en outre, un entretien ou une maintenance, à des coûts élevés, avec des moyens mécaniques, ou manuels. La plupart du temps, cela n'est pas assuré de manière régulière, faute d'organisation et de moyens au niveau des services techniques municipaux ou centraux. Enfin, le non respect des règles d'art pour la réalisation des infrastructures est à l'origine des inondations en aval, et des dommages. Les inondations et les érosions, dues au ruissellement des eaux pluviales, affectent de manière considérable les populations, et l'économie urbaine. Pour faire face à ce grand défi, quelques solutions innovantes existent. Elles ont été mises en œuvre, dans quelques rares cas, en Afrique subsaharienne. Elles peuvent être regroupées en quatre grandes catégories. La première concerne les mesures sur les contraintes naturelles. En effet, la maîtrise de l'eau de ruissellement, en amont, permet de réduire considérablement les volumes d'eau à évacuer, et d'offrir des opportunités au développement de l'économie locale, en favorisant, par exemple, l'agriculture, l'aquaculture, ou le reboisement. Par ailleurs, la réduction des pointes, ou la construction des murs en béton, renforcé par la stabilisation des pointes, permet de limiter les phénomènes d'érosion. La seconde catégorie de mesures vise à améliorer la gestion de l'espace urbain. Il s'agit, par exemple, de promouvoir la collaboration entre les différents services, en vue d'harmoniser les interventions en matière de gestion des eaux pluviales ; de développer des approches multisectorielles, en combinant les actions eaux pluviales avec d'autres actions liées aux services de base, par exemple, améliorer la gestion des déchets solides ; et d'appliquer la gestion intégrée des eaux urbaines. Cette approche se base sur la mise en œuvre des principes de la gestion intégrée des ressources en eau, au contexte urbain. La ville vise à aborder l'ensemble des problématiques liées à l'eau urbaine sous toutes ses formes, et ce, de manière intégrée à l'échelle du bassin versant. Certes, c'est une méthode efficace de gestion des eaux urbaines, mais elle nécessite une méthodologie longue et complexe. Les mesures pour améliorer la gestion des eaux pluviales consistent à renforcer les capacités des services techniques, car les activités en matière d'entretien et de maintenance sont fondamentales pour assurer un bon fonctionnement d'un système de drainage. Et leur absence entraîne une perte de capacité, voire une détérioration des ouvrages. Utiliser des techniques alternatives pour gérer les eaux de pluie a de nombreux avantages. Selon la technique utilisée, on peut, soit valoriser l'eau comme ressource, soit la retenir, pour favoriser son infiltration, en vue de pallier à une inefficacité d'un réseau d'évacuation. Ces solutions contribuent, à terme, à limiter les épisodes d'inondation, et la création de mares stagnantes, ainsi que le rejet d'eau pluviale dans le millieu. Par ailleurs, l'utilisation de pavés poreux permet de maîtriser le flux des eaux de ruissellement. Il en est de même de l'utilisation des rues et routes comme systèmes de drainage. Les bassins de rétention, en amont des villes, ou intégrés au réseau d'évacuation des eaux pluviales, existent dans de nombreuses villes africaines. Ils permettent de réguler le flux des eaux de ruissellement et offrent des opportunités à l'essor de l'économie locale. Enfin, selon la nature des terrains, le reboisement et la rétention collinaire peuvent être envisagés. La dernière catégorie de mesures vise les usagers ou les habitants. Il s'agit, par exemple, de développer des stratégies de prévention et de limitation des risques liés aux inondations, par des mesures préventives comme ce fut le cas au Sénégal, en 2004, où un programme national de prévention des inondations et de protection des localités exposées, a été initié. Il a préconisé un certain nombre d'actions, telles que la construction des digues de protection, de canaux et de stations de pompage, l'aménagement de bassins de rétention collinaire, le transfert de quartiers implantés dans des zones inondables sur des sites viabilisés. D'autres mesures sont envisageables, tel le relogement temporaire des habitants d'une zone d'inondation sous des tentes, ou la protection individuelle et spontanée. En effet, certains habitants développent, de manière spontanée, des solutions individuelles pour se protéger des eaux pluviales, et faire face aux dysfonctionnements et/ou à l'absence de réseaux de drainage des eaux pluviales. Comme la construction de barrages ou de digues à l'aide de sacs en jute remplis de terre. L'amélioration du terrain, ou de la maison, comme la construction sur pilotis, ou l'élévation des fondations, le scellement de portes, le rehaussement des installations électriques, ou encore l'utilisation de matériaux résistants, sont autant d'autres mesures que prennent les habitants pour se protéger des risques d'inondation. La protection du quartier peut aussi se faire à travers la construction de murs de protection ou de digues, à l'échelle de la maison, ou du quartier. Le colmatage, ou l'ouverture de tranchées, dans les infrastructures, de manière volontaire, afin de se protéger des débordements d'eau. Enfin, il faut impliquer les ménages les plus vulnérables dans la gestion et le développement du service, et impliquer aussi les habitants, d'une manière générale, dans la réalisation et la gestion des ouvrages. En conclusion, nous pouvons dire que, gérer les eaux pluviales en milieu urbain consiste à prendre un ensemble de mesures, pour une meilleure maîtrise des volumes et des flux d'eau, générés par les pluies et les ruissellements, dans les espaces urbanisés. Cela nécessite de mettre en place des équipements, d'assurer leur entretien et bon fonctionnement. Mais ces actions, à elles seules, ne suffisent pas. Il faut en plus améliorer les conditions d'hygiène liées aux pratiques et comportements des habitants, promouvoir des comportements adaptés, tel que le non rejet des ordures ménagères, et eaux usées, dans les canalisations, et enfin, préserver l'environnement. Au revoir, et à la prochaine leçon sur l'accès à l'eau potable et assainissement dans une ville secondaire au Tchad, une étude de cas. [AUDIO_VIDE]