Bonjour, bienvenue au MOOC, Villes africaines, environnement et enjeux de développement. La leçon d'aujourd'hui porte sur les enjeux fonciers de l'agriculture urbaine. Un enjeu important pour la viabilité de l'agriculture urbaine est la disponibilité des terres, car cette pratique est conditionnée par l'évolution rapide du système foncier. Les densités élevées de la population urbaine engendrent des compétitions et des conflits pour l'accès à la terre et aux ressources naturelles. L'agriculture urbaine et périurbaine dans les villes africaines est multifonctionnelle, cependant, elle est peu reconnue par les institutions et rarement incluse dans les plans de développement urbain, ce qui entrave ou contrarie son avenir et sa durabilité. Les auteurs comme Mougeot et Moustier ont montré que la disponibilité du sol à des fins agricoles, et l'accès au sol, sont donc des enjeux de taille dans la plupart des villes des pays en développement. Et notamment en Afrique. La particularité de cette agriculture, est d'être en concurrence avec les activités urbaines pour les ressources notamment pour le foncier. Quelle est alors sa place dans l'espace urbain? Nous allons tenter d'apporter une réponse à cette question à travers les aspects suivants, que nous allons aborder dans cette leçon. Les espaces agricoles, le statut foncier des terres agricoles, le statut d'occupation de ces terres, l'insécurité foncière encourue par les exploitants, et enfin les stratégies de maintien de l'activité agricole en milieu urbain. Dans les villes africaines, l'agriculture se déploie sur des espaces contestés, dont la situation foncière est incertaine à court, moyen ou long terme. Les propriétaires coutumiers au cœur des jeux fonciers, finissent par vendre, ou se faire exproprier de leurs terres. L'implantation des édifices publics et des infrastructures routières génèrent également un certain nombre de nuisances, telle la pollution des eaux, qui interrogent la qualité sanitaire des légumes produits. Pourtant, si les surfaces agricoles diminuent à la périphérie, au rythme de l'étalement urbain, et si certaines productions sont exclues, ou se réduisent, telles que l'agriculture pluviale par exemple, l'agriculture ne fait pas que subir l'urbanisation. Elle s'incruste dans la ville, à travers des espaces cultivés sur des zones non constructibles, notamment les terres longeant les cours d'eau, généralement très fertiles. Des élevages dans les cours, ou les cultures de bord de rues, ou s'étend un peu plus loin, à travers du maraîchage de plein champ, et des plantations d'arbres fruitiers. Ces formes agricoles sont loin de ne s'apparenter qu'à l'économie de survie, elles vont de l'autoconsommation à la satisfaction de la demande urbaine jusqu'à l'exportation, et ont en commun de jouer au moins un rôle dans la ville, alimentaire et/ou économique. À Yaoundé, comme l'ont souligné de nombreux auteurs, les terrains destinés à la culture sont occupés par des producteurs vivriers ou maraîchers, et sont généralement des réserves foncières ou des propriétés privées, que les habitants peuvent se partager. Les réserves foncières sont destinées à des infrastructures publiques comme les écoles, les hôpitaux ou les voies publiques, par exemple. Toutefois, l'agriculture urbaine se pratique beaucoup plus dans les bas fonds et les zones marécageuses. La proportion des exploitants y est donc plus élevée que celle des agriculteurs implantés sur les versants de collines, en bordure de route, ou dans les jardins des habitations, puisque la terre est plus riche, et l'eau est plus accessible pour les cultures. Dans le centre ville de Yaoundé, les agriculteurs urbains occupent des terrains non bâtis, généralement situés dans les zones marécageuses, ou les réserves foncières laissées vacantes par l'administration. Quel est le statut foncier des espaces agricoles dans les villes africaines? Dans la ville de Bamako, le premier domaine foncier concerné par l'implantation des parcelles maraîchères est constitué de terres relevant du régime de droit coutumier. En effet, en marge des terres immatriculées au nom de l'État et des particuliers, subsistent encore d'importants domaines où s'applique le droit coutumier. Ce régime de droit concerne les terres concédées en gestion coutumière par l'administration coloniale aux familles fondatrices et notables de la ville. Il en est de même à Yaoundé et dans sa périphérie. Ce régime en milieu périurbain est caractérisé par l'absence totale de droit de propriété au sens large du terme. Il obéit à des règles traditionnelles, caractérisées par le respect de commodités coutumières. L'exploitant n'exerce qu'un droit d'usage sur la terre dont il est l'usufruitier intégral, mais non le propriétaire au sens juridique. Ne peut bénéficier de ce droit d'usage que les responsables des unités familiales, leurs fils, et les étrangers à la communauté, ayant noué un lien matrimonial ou amical. Ce régime a persisté pendant longtemps et perdure encore, il concerne les terres concédées en gestion coutumière par l'administration coloniale, aux familles fondatrices et notables de la ville de Yaoundé. D'autre part, le droit coutumier s'applique sur les terres des villages environnants aujourd'hui intégrés dans le tissus urbain. Dans ces domaines fonciers, l'accès à la terre agricole par les exploitants se fait selon la procédure coutumière, ce mode n'est assorti d'aucune redevance. Mais de nos jours, l'exploitant agricole s'installe, avec l'accord des chefs ou responsables coutumiers, en échange d'un geste symbolique, en nature, avec le respect des traditions. À Bamako, le domaine possédant des titres fonciers immatriculés au nom de l'État, et des particuliers, constitue la deuxième zone d'implantation des maraîchages. Il s'agit d'une part des réserves foncières de l'État qui ne font l'objet d'aucune viabilisation, et d'autre part des domaines publics et privés de l'État localisés dans des quartiers, notamment dans des zones résidentielles et industrielles. Les propriétés provisoires attribuées en bail et les titres fonciers définitifs, qui sont insuffisamment mis en valeur, sont donnés en exploitation aux maraîchers, moyennant une redevance déterminée d'un commun accord par le propriétaire et l'exploitant. Dans la plupart des villes africaines l'occupation spontanée concerne les terrains immatriculés ou non, et qui ne font pas l'objet d'exploitation. On peut qualifier ces terrains de domaines non contrôlés. Ces types d'occupation ne bénéficient d'aucune base juridique légale. Les espaces qui se prêtent à ce mode d'occupation sont, dans l'ensemble, des terrains marginaux. Domaine riverains inondables, ou plus généralement non constructibles, qui suscitent peu d'intérêt et de convoitises foncières, tout au moins dans l'immédiat. Les terres généralement concernées se situent dans les vallées de cours d'eau par exemple. Quel est donc le statut d'occupation des terres? L'occupation des terres agricoles se fait selon trois modes, le faire valoir direct par les propriétaires est le premier mode. Les parcelles faisant l'objet du faire valoir direct sont très peu répandues. Le second statut est celui du locataire. L'exploitant étant locataire de la parcelle exploitée, auprès des propriétaires légaux. Sur la parcelle concédée en bail il apporte le capital et le travail, il bénéficie donc intégralement du produit de l'exploitation. Mais ce mode d'accès à la terre est assorti de redevance foncière payée au propriétaire à titre de loyer. La redevance, dont le montant est variable en fonction de la valeur foncière du site et de sa taille, est déterminée de commun accord. Dans la plupart des cas, les locations sur les terres agricoles se font avec des modalités diverses. Les plus fréquentes sont les locations au mois, et à l'année. Dans le cas des locations au mois, le loyer est payé tous les mois, mais les producteurs ne sont pas forcément dans une situation d'insécurité foncière. En effet, un accord oral tient les deux parties, le bailleur ne pouvant récupérer sa terre qu'après la récolte. Il arrive aussi que le loyer ne commence à être versé qu'à partir du moment où il y a une production à vendre. L'accord de location peut être oral, ou certifié par une facture écrite. Les locataires n'ont pas de droits sur les arbres, et ils ne doivent pas non plus planter des cultures pérennes. Parfois, et surtout lorsqu'il y a des liens entre le bailleur et le locataire, la location peut s'apparenter à un prêt arrangé. Le propriétaire bénéficiant d'une part des récoltes ou d'un revenu sans qu'il soit fixé au préalable. Les bailleurs n'ont pas tous le même statut vis-à-vis de la terre. Il peut s'agir d'autochtones ayant immatriculé ou non, ou d'allogènes ayant acheté des droits coutumiers ou titrés. Le prêt de parcelles constitue le deuxième mode le plus répandu d'accès à des parcelles à des fins agricoles. Le propriétaire légal n'est nullement intéressé par le produit d'exploitation, dans la mesure où il ne reçoit aucune redevance à titre de loyer. Cependant, il peut percevoir à titre de reconnaissance des intéressements en nature comme cadeaux, sucre, mouton, etc. Les lopins sont cédés par les propriétaires sur la base des relations sociales et les alliances diverses. Ces différentes voies d'accès et l'absence de législation spécifique rendent précaire l'exploitation de l'espace. Cette insécurité se traduit, concrètement, en instance de déguerpissements et sous-tendent des menaces permanentes. Elle influence dans une large mesure la durée d'occupation agricole des parcelles, ainsi que leur mobilité et leur instabilité. L'expulsion sera plus ou moins brutale, selon le statut et la durée d'occupation des parcelles, elles demandent de faire-valoir dont elles font l'objet. En effet, pour les terrains relevant du domaine coutumier, le phénomène d'abandon des parcelles est plus lent, eu égard aux réflexes de respect qu'observent les autorités politiques et administratives, vis-à-vis de l'entité traditionnelle ou coutumière. Les espaces traités ou loués sont essentiellement des domaines déjà immatriculés, appartenant à l'État ou à des particuliers. Le déguerpissement à ce niveau sera plus brutal, compte-tenu de la réaffectation de ces espaces à des fins d'immobilisation résidentielle, comme nous pouvons le voir sur ces images, administrative ou industrielle. Notons que les plus vieilles parcelles sont généralement les plus exposées. Les exploitants menacés d'expulsion ou déguerpis iront occuper d'autres espaces difficilement constructibles, où ils vont se heurter à des cohabitations difficiles avec d'autres opérateurs du secteur informel. L'accès au sol en milieu urbain et périurbain est souvent source de conflit entre les producteurs. Le seul espace pouvant assurer une garantie de durabilité, reste la propriété. Mais d'autres expériences d'intégration de l'activité agricole, dans l'espace urbain, existent. L'expérience de Oubongo Darajani, et de Dar es Salam en Tanzanie, démontre comment l’agriculture urbaine peut être intégrée dans la planification de l'usage du foncier et améliorer la gouvernance foncière urbaine. L'inclusion de moyens de subsistance basés sur l'agriculture urbaine, dans les processus et structures de planification de l'usage du foncier, dans la prise des décisions, la préparation, la mise en œuvre et le suivi permet d'améliorer les conditions d'existence des petits agriculteurs, urbains, pauvres, et l'usage des terres. Ceci peut être atteint, entre autres, en adoptant les approches de la planification urbaine participative, en facilitant l'amélioration des établissements par le biais de partenariats institutionnels, du transfert de compétences, à l'échelon local, et en renforçant les organisations des petits propriétaires, en leur donnant une place dans le dialogue politique. Ces options peuvent être efficaces, lorsque le gouvernement est en mesure de faire appliquer et de réviser la politique et la législation, en vigueur, si différents acteurs sont impliqués dans les processus de prise de décision et lorsqu'il existe une sensibilisation à l'information et à la communication. La seconde stratégie de maintien de l'activité agricole concerne des arrangements informels. En effet, des recherches conduites à Bobo-Dioulasso dans le cadre d'une thèse, soutenue par Ophélie Robineau, ont mis au jour des modalités basées sur des arrangements informels entre agriculteurs, éleveurs, gestionnaires des déchets et agro-industriels, ainsi qu'avec les autorités et des distances courtes entre les activités dans le maintien des activités agricoles dans la ville. Chaque partie y trouve son compte, les maraîchers, ils sécurisent leur approvisionnement en fumure, les éleveurs, qui se débarrassent des déjections animales, qui importunent leurs voisins, et les charretiers qui vivent du transport de matières. Des arrangements informels sont aussi conclus avec les autorités, par exemple, pour accéder à la terre ou maintenir un élevage, en cas de conflit avec le voisin. L'appui à l'agriculture urbaine exige donc une approche globale, prenant en compte les interactions souvent informelles, entre agriculteurs, éleveurs, gestionnaires des déchets et agro-industriels. Une telle approche globale et les solutions qui en découlent, nécessitent une coordination entre les acteurs et une adaptation à chaque contexte. Outre les arrangements informels évoqués, une concertation et des accords sont nécessaires entre acteurs de la planification urbaine et acteurs de l'encadrement agricole, afin de trouver des compromis entre le développement de la ville et celui de la production agricole. Par exemple, des quartiers combinant des zones d'habitat, de maraîchage et d'élevage. La circulation des produits et des intrants agricoles devrait être aussi traitée en tant que telle dans les réflexions sur l'aménagement urbain. En conclusion, nous pouvons dire que les activités agricoles apparaissent dans la ville africaine, comme une nécessité, et les formes qu'elles prennent, elles prendront tout comme leur pérennité, dépendent en grande partie du foncier. En effet, l'une des menaces qui pèse sur les exploitations agricoles, concerne l'instabilité des espaces agricoles. Cette incertitude du domaine agricole résulte pour une grande part, du conflit entre la recherche de surfaces constructibles et celle des terres pour l'activité agricole. Face à ces enjeux, la capacité de l’agriculture urbaine à améliorer la qualité de vie de la ville, et son habilité a besoin d'être reconnue par les aménageurs. La première étape est naturellement d'organiser la coexistence d'espaces agricoles et d'espaces urbanisés. Mais au-delà, le principal enjeu politique est la reconnaissance mutuelle de l'unité de la ville, par les différentes entités sociales et spatiales. La planification est stratégique pour concourir à cela. Au revoir et à la prochaine leçon, qui va nous introduire dans les interrelations entre environnement et santé, et s'intitule définition des concepts. [AUDIO_VIDE]