[MUSIQUE] >> Comme nos participants, je vous ai écouté toute cette semaine, et j'aurais quand même quelques questions sur l'agriculture urbaine ; certains experts disent que l'agriculture n'aurait rien à faire dans la ville, >> puisque, par essence, la ville ne serait pas le rural, et donc pas l'agriculture, quelle est votre position par rapport à cela? >> Je pense que l'agriculture urbaine a toute sa place. Pour cela, il faut se référer un peu à toutes les fonctions qu'elle, que cette agriculture joue. Elle sert à l'approvisionnement des villes, évidemment lorsque vous prenez les produits maraîchers, si vous n'avez pas un bon système routier, si c'est à 200, 300 kilomètres que ces produits maraîchers doivent arriver dans la localité, eh bien, ces produits maraîchers vont périr. Donc, c'est une activité qui est née, notamment avec la présence des colons, dans un premier temps, pour pouvoir se procurer donc une alimentation qui soit proche de ce qu'ils avaient dans leur pays, et par la suite, il y a eu des changements dans les habitudes alimentaires des populations locales, qui ont fini par consommer de la salade, de la laitue, de la tomate, et bien d'autres produits. Si je prends seulement l'aspect, fonction aménagement de l'espace, vous avez un certain nombre d'espaces, aujourd'hui, qui, s'il n'y avait pas cette agriculture urbaine, deviendraient peut être des dépotoirs sauvages, des zones de défécation, les berges, le fleuve, lorsque, à vol d'oiseau vous voyez donc ces paysages, de planches de cultures qui sont à l'intérieur de l'espace urbain, c'est très joli à voir. En terme de paysage. Cela permet d'aménager, de sécuriser ces espaces-là. Il en est de même de l'horticulture qui se développe également, ces dernières années, dans les paysages africains. Je crois que tout le monde a sa place dans une ville. Il n'y a pas une ville qui devrait être pour les riches, exclure l'agriculture urbaine, à mon avis cela voudrait dire que, on doit exclure en d'autres termes les pauvres également. Parce que c'est eux qui salissent, c'est eux qui habitent dans des endroits insalubres ou autres. Donc, ils ne devraient pas être en ville. J'ai entendu une fois certains responsables le dire, le pauvre n'a pas sa place en ville, il doit être au village. Mais en fait, chacun a sa place, et l'agriculture urbaine a pleinement sa place. Elle aide certaines personnes à joindre les deux bouts. Le fonctionnaire, ou petit employé, qui, à côté, fait son agriculture ou son élevage, et peut arrondir ses fins de mois grâce à cette activité. On devrait plutôt chercher à comment l'intégrer à la ville. Lorsque je parcours certains paysages urbains en Europe, je me rends compte qu'il y a des endroits où on fait du maraîchage, même dans les zones, comment on appelle? Bien aménagées, bien loties. On prévoit un certain nombre d'espaces, notamment lorsqu'on fait la planification, on prévoit un certain nombre d'espaces qui devraient être dédiés à cette agriculture. L'agriculture qui se fait par irrigation, par exemple, a toute sa place. La question, à ce niveau-là, c'est comment faire en sorte que cette agriculture ne soit pas nuisible? Et cette intégration demande aussi que les planificateurs, les décideurs, et tous les acteurs en d'autres termes, puissent parler le même langage. Il y a eu, il y a, comment on appelle? Des initiatives qui ont été menées, notamment, je le dis dans mon cours, à Bobo-Dioulasso, où, à travers les arrangements informels, autorités, exploitants, autres, on arrive donc à maintenir l'activité. Mais je crois que, de manière durable, il faut pouvoir réfléchir sur comment faire à ce que l'agriculture puisse exister? Cela renvoie à la question, parce que la question fondementale c'est la question de l'espace, assez souvent les agriculteurs urbains sont déguerpis sur un certain nombres d'espaces et ils sont obligés de se retrouver sur des zones qui sont difficilement constructibles, pour pouvoir continuer à mener leurs activités. Mais je crois qu'ils ont quand même toute leur place au sein d'une ville, parce qu'elle assume, l'agriculture urbaine assume un certain nombre de fonctions qui font fonctionner la ville. C'est la grande question aussi, si on fait un lien avec tout ce qui, tous les autres secteurs informels qui existent en ville, et qui participent à l'économie urbaine. Pendant longtemps on n'a pas pris en compte le secteur informel dans l'économie urbaine. De plus en plus, je crois que les planificateurs, les économistes, ont compris que toutes les activités du secteur informel participent à la à l'économie urbaine notamment, et au développement d'une ville ou d'un pays. >> N'y a-t-il pas un paradoxe entre cultiver des terres qui ont finalement une valeur foncière incroyable? Ne devrait-on pas plutôt faire des bâtiments plutôt que cultiver des légumes, ou faire de l'horticulture sur des terres qui ont une valeur foncière extrêmement élevée? >> On peut considérer qu'il y a un paradoxe. Mais où s'installe généralement cette activité urbaine? Cette activité, comment dirais-je, agricole? L'activité agricole ne s'installe pas sur des terres riches, ces terres riches, généralement, elles sont convoitées, et on, même si il y avait une activité agricole auparavant, les exploitants sont déguerpis et on installe à la place de cela des habitations. C'est d'autres types d'espaces où généralement on ne devrait pas construire. Mais s'il y a une possibilité de développer une activité agricole, je ne verrai pas de mal à ce que cela se fasse. Imaginez-vous que les populations, on les laisse aller s'installer dans des zones inondables, et qu'on ne puisse pas permettre à ceux qui vivent d'une activité agricole de s'installer dans ces zones-là. Les zones inondables, les berges des cours d'eau ou autres, sont plus favorables à l'existence d'une activité agricole que, une zone, comment dirais-je, exempte, une zone qui n'est pas dans un bas-fond, et qui peut accueillir des habitations. La question fondamentale, c'est de dire où est-ce qu'il est possible de faire de l'agriculture et où est-ce qu'il n'est pas possible de le faire? Tout comme, où est-ce qu'il est possible de construire des maisons d'habitation, et où est-ce qu'il n'est pas possible de construire des maisons d'habitation? Ce qui pose problème en agriculture c'est généralement tout ce qui participe à son développement. Les questions liées par exemple à la réutilisation des eaux usées, mais là, également, il y a des solutions à cela ; les question liées, par exemple, en ce qui concerne l'élevage, à la divagation des animaux, mais là aussi il y a des solutions, on peut trouver, afin que une mesure urbaine dans sa globalité puisse trouver une existence. Allez dans la ville, vous verrez des gens élever des animaux domestiques. On tolère bien que vous ayez un chien mais on ne tolère pas que vous ayez une chèvre, ou une poule, ou autre. Pourtant tous les deux sont des animaux, et domestiques. Bon ça c'est une réflexion propre que j'apporte [RIRE]. >> Et donc, à vous entendre, on pourrait dire que les politiques de densification des villes, comme on les a à travers le monde, ne sont pas adaptées, ou que très peu adaptées aux villes africaines? Puisque on aurait, avec la densification, une disparition progressive de l'agriculture urbaine. >> Tout à fait, je crois que chaque ville devrait se développer selon ses réalités, et ça, aussi bien décideurs que planificateurs devraient prendre cela en compte. Mais j'évoquais un peu plus loin dans la dans la question de la présence, dans des questions liées à l'aménagement urbain le dialogue, le dialogue manque entre les acteurs urbains. Les acteurs urbains ont des activités. Lorsque vous prenez, et c'est la même situation aussi, l'agriculture urbaine c'est aussi les autres secteurs informels, des activités telles que les garagistes, les forgerons et autres, qui sont aussi confrontés à des questions de, d'espaces pour pouvoir mener leurs activités. Et on sait pertinemment que ces activités-là contribuent au fonctionnement de la ville. Mais alors si on reconnaît qu'ils sont utiles au fonctionnement de la ville, on devrait légitimement leur donner l'opportunité d'être, d'avoir une activité qui soit sécurisée. Or, sur ce plan-là il y a des problèmes. Sur ce plan il y a des problèmes. C'est l'aspect foncier qui fait que, et la compétition pour le foncier qui fait que généralement, on dit que l'agriculture n'a pas sa place, donc elle devrait être reléguée hors de la ville ou bien encore se retrouver dans des espaces non constructibles. Et là encore la question des espaces non constructibles, cela dépend des moyens que la puissance publique ou des investisseurs privés peuvent le faire. Parce qu'un terrain marécageux, il est est susceptible d'être viabilisé et servir à des habitations. Mais là encore, est-ce que euh, de ce côté-là il y a des possibilités à ce que cette agriculture puisse perdurer. Regardez le long des cours d'eau. Notamment le long des cours d'eau, c'est là où se développent assez souvent l'agriculture urbaine. Mais les berges de cours d'eau sont souvent convoitées par les populations aisées notamment. Pour avoir une belle vue sur le fleuve, pour avoir une plage, etc. Mais ces agriculteurs qui sont sur ces berges-là ont de fortes chances que si un plan d'aménagement ou d'implantation immobilière vient pour réaliser donc son projet, il y a de fortes chances que ces éleveurs, en fait ces agriculteurs-là puissent disparaître. Y a des endroits à travers la ville, à qui, qui ont été dédiés à l'activité agricole, tout en sachant ou tout en leur interdisant par exemple des constructions qui soient durables. Par la suite vu que ces endroits étaient à proximité d'un d'un de de de rivages, de cours d'eau et qu'on a implanté un certain nombre d'infrastructures structurantes comme grands hôtels, autres tout de suite, le quartier a commencé à devenir intéressant pour un certain nombre de catégories de citadins et du coup, ben, ils se sont installés ou ils ont fait lotir dans les espaces qui étaient auparavant dédiés donc à l'agriculture urbaine, notamment au maraîchage. La question de la sécurité foncière est un gros problème pour la survie en d'autres termes de l'agriculture urbaine. >> On parle justement des populations les plus vulnérables et puis euh, ça permet cette agriculture urbaine, et cet élevage permet notamment à ces populations d'avoir... >> D'auto-consommer et de revendre le surplus. >> D'accord. Mais est-ce que on est sur des questions, je dirais marginales ou est-ce que ça permet vraiment à ces populations de survivre. Est-ce que c'est le gros de leur activité et sans ça, elles ne pourraient pas survivre ou est-ce que finalement c'est des petites choses et que dans l'économie globale, cette agriculture n'entrerait pas tellement et serait anecdotique. >> Mais là aussi, il faut le démontrer par des études à mon avis. Euh, un certain nombre d'études faites dans villes africaines telles que Ouagadougou, on peut le voir dans la littérature. On a vu des espaces disparaître, des espaces agricoles disparaître donc face à la pression foncière pour des constructions. Et on a vu également une multiplication ou une redirection vers d'autres espaces. Parce que la ville elle continue à grandir, à s'étaler. Et comme dans la ville y a des gens avec emploi, sans emploi, ceux qui sont sans emploi vont pouvoir trouver la solution euh... Ça donnera une activité qu'ils savent le mieux pratiquer. Et si ce sont des anciens migrants. Il n'y a pas que des anciens migrants, même y a des urbains, mais qui sont sans emploi, qui se sont déportés donc sur ces activités-là pour pouvoir vivre. Alors la question est de savoir, est-ce que ils vivent de cela. Est-ce que, quelle est la part de l'agriculture urbaine dans l'économie de la ville. Évidemment, il faut la mesurer, il faut nécessairement faire des études pour pouvoir déterminer quelle est la part en termes de production, en termes de ressources financières cette agriculture-là apporte. Mais est-ce que autant, est-ce que pour autant, si elle devient une activité qui est moins rentable pour la ville, est-ce pour autant qu'il faut l'exclure, ça c'est tout une autre grande question qui mérite encore une réflexion. >> Merci pour ces quelques réponses bon ça nous éclaire sur cette position de l'agriculture au sein de la ville et puis, comme on partage ces idées-là, je suis très content de vous entendre >> justement, et le plaidoyer que vous venez de faire pour une agriculture urbaine en ville est euh je pense capital, et c'est une des pistes que devraient explorer les autorités, les gestionnaires, également les planificateurs. Lorsque l'on imagine les villes de demain, on doit aujourd'hui les imaginer avec de l'agriculture. >> Oui. Merci.