Bonjour. Bienvenue au MOOC : Villes africaines, environnement et enjeux de développement. La leçon d'aujourd'hui porte sur la réutilisation des eaux usées dans l'agriculture urbaine. La réutilisation des eaux usées dans l'agriculture urbaine est une pratique très répandue à travers le monde, et plus particulièrement dans les zones arides et les zones urbaines, où l'eau de bonne qualité est une ressource rare. Les substances nutritives des eaux usées, telles que phosphore, azote, constituent aussi des ressources économiques importantes pour les producteurs urbains. Afin de mieux cerner cette problématique et les enjeux qui lui sont liés, nous allons, dans un premier temps, présenter de manière sommaire la typologie des eaux usées utilisées dans cette agriculture. Ensuite, nous dégagerons les risques sanitaires encourus. Enfin, nous présenterons les quelques mesures susceptibles de contribuer à réduire ces impacts sanitaires négatifs. L'utilisation des eaux usées dans l'agriculture urbaine se fait selon 2 modalités : une utilisation directe des eaux usées brutes, ou une utilisation indirecte avec les eaux polluées par les eaux usées brutes. Les eaux utilisées pour l'agriculture sont : soit des eaux usées domestiques brutes, soit des eaux usées industrielles brutes, soit un mélange des deux, soit des effluents hospitaliers, soit des eaux de ruissellement, soit des cours d'eau pollués par l'une ou le mélange de plusieurs de ces sources, ou encore par un déversement sauvage d'ordures ménagères et de boues de vidange. Les agriculteurs recourent aussi très souvent aux eaux de pluie, appelées séanes au Sénégal, et à des sources le plus souvent polluées. Les eaux de barrage sont aussi utilisées et sont régulièrement polluées par des eaux de ruissellement ou des eaux usées. Dans certains cas, les effluents des stations d'épuration sont utilisés, mais ceux-ci sont très souvent insuffisamment traités, par rapport aux normes de l'OMS. Ces images nous montrent 2 situations d'utilisation des eaux usées, dans le maraîchage. Sur la première image, les eaux brutes sont drainées par le biais d'un tuyau en PVC, dans un petit bassin aménagé par les exploitants, puis, ensuite, prélevées à l'aide d'arrosoirs pour l'aspersion des plantes. Sur la seconde image, les eaux usées de vidange sont déversées de manière sauvage dans une zone où les maraîchers ont mis en place un dispositif sommaire pour recueillir les effluents, et, à l'aide de rigoles, irriguer les planches de légumes. Quels sont les risques, notamment sanitaires, encourus? Les teneurs en polluants physico-chimiques, généralement retrouvés dans les eaux usées utilisées pour l'agriculture, sont très élevées. Dans les Niayes, à Dakar, les prélèvements effectués dans les recherches menées par Ndaru ont donné des valeurs de pH atteignant 11. À Ouagadougou, les concentrations en nitrate ont atteint jusqu'à 558 milligrammes par litre dans les eaux usées industrielles. Des matières en suspension et des traces de métaux lourds ont également été signalées, tels que le chrome. Ces valeurs extrêmes peuvent modifier le pH du sol, l'excès de matières en suspension peut colmater les pores du sol, les métaux lourds sont susceptibles de s'accumuler dans les sols, et il y a des risques de contamination de la nappe par les métaux lourds, tels le nitrate. Par ailleurs, dans la plupart des cas, les eaux usées utilisées dans le maraîchage sont polluées par des agents pathogènes. Dans l'étude précitée, dans les Niayes de Dakar, les analyses effectuées ont révélé la présence dans les eaux usées de bactéries, comme les coliformes fécaux, et de parasites, comme les larves d'anguilles, les kystes d'amibes, les œufs d'ascaris. Les analyses effectuées ont aussi révélé la présence de parasites dans les produits, tels que les tomates, larves d'anguilles, kystes d'amibes, œufs d'ascaris, œufs d'oxyures. et les laitues, larves d'anguilles, œufs d'ascaris, œufs d'ankylostomes. Les producteurs font partie des personnes à risque. En effet, les agents pathogènes, dans les produits que nous venons de voir, peuvent contaminer et rendre malades les producteurs eux-mêmes et leurs familles. Durant l'irrigation, les maraîchers, qui ne sont pas protégés pour la plupart, sont en contact direct avec les eaux et sont exposés aux risques énumérés plus haut. La prise de repas, sans se laver correctement les mains, par les exploitants les expose également à la maladie. En plus, il leur arrive également de consommer sur place des fruits ou légumes crus arrivés à maturité, tomates, concombres, radis, etc, sans les avoir correctement désinfectés. Les parasites le plus souvent trouvés à l'issue des analyses effectuées sont le giardia intestinalis, les œufs d'ascaris, et les œufs de trichocéphales. La recherche effectuée par Cissé à Ouagadougou, en 1997, et portant sur l'impact sanitaire de l'utilisation des eaux polluées a montré que les enfants d'exploitants maraîchers, âgés de 0 à 4 ans, présentent plus de risque de morbidité diarrhéique et d'infection parasitaire que ceux du même âge de la population générale. L'étude a abouti au constat que les enfants d'exploitants ont présenté, en fin de saison des pluies, un taux d'incidence pour la diarrhée supérieur à ceux du même âge de la population générale. Les vendeuses, également, sont exposées à travers le contact direct avec les eaux polluées des séanes ou de cours d'eau pollués, lors du lavage des légumes, mais aussi lors de la récolte des légumes. En effet, elles ne portent pas de gants ni de bottes, et restent de longs moments au contact de l'eau et des légumes contaminés. Quant aux consommateurs de légumes non correctement désinfectés, ils sont exposés aussi à des contaminations. En effet, certains consommateurs procèdent à la désinfection de légumes avant consommation, tandis que d'autres ne font qu'un simple lavage et rinçage avec l'eau. À présent, nous allons examiner les mesures envisageables pour réduire ces risques encourus que nous venons de présenter. Il existe différentes mesures susceptibles de réduire ou de minimiser les risques de contamination. La première mesure concerne la promotion de l'utilisation des eaux usées traitées. Diverses expériences ont été menées, notamment au Sénégal, pour promouvoir l'utilisation des eaux usées traitées dans l'agriculture urbaine. À Dakar, il existe depuis 2003 une station expérimentale d'épuration des eaux usées domestiques équipée de 2 laboratoires, en vue de suivre les performances de l'abattement des bactéries et des parasites, mais aussi pour la réduction de la pollution organique et minérale. Cette station expérimentale permet non seulement de proposer des systèmes d'épuration adaptés aux contextes socio-économico-culturels locaux, mais permet également de proposer les meilleures conditions de valorisation des eaux usées traitées dans l'agriculture urbaine, en respectant, autant que possible, les normes fixées par l'OMS. Ndaru a expérimenté 2 procédés pilotes de traitement des eaux usées. Le premier procédé a été installé à Rufisque, au Sénégal. C'est un système de lagunage à plantes flottantes, laitue d'eau, composé d'un bassin de décantation, sédimentation, et de 6 bassins de lagunage à laitue d'eau. Le second procédé est un système mixte à fosse septique en condominium, avec un filtre immergé à gravier. La seconde mesure concerne l'adoption de bonnes pratiques agricoles, afin de réduire, notamment, la contamination bactérienne dans les légumes aux champs. Les expériences menées ont révélé une différence de niveaux de contamination entre l'irrigation par aspersion et l'irrigation par immersion. Concernant la contamination en bactéries, les laitues arrosées par aspersion sont moins contaminées que les laitues arrosées par immersion. Quant à la contamination parasitologique, l'irrigation par immersion reste la plus contaminante. Pour une meilleure protection des légumes, il est conseillé de ne pas utiliser des fertilisants d'origine animale à moins d'un mois de la récolte. La troisième mesure concerne la protection des exploitants agricoles. Lors de ladite étude, les exploitants maraîchers avec tenues de protection et sensibilisés aux bonnes pratiques, et des maraîchers non protégés et non sensibilisés ont été suivis. Les résultats ont révélé que les maraîchers protégés sont en majorité infestés par des parasites non pathogènes, 53,2 % essentiellement constitués de protozoaires, tandis que la charge parasitaire d'ascaris principale, helminthes, retrouvée est plus élevée chez les maraîchers non protégés. Aussi, pour une meilleure protection, il est également recommandé de ne pas manger et de ne pas fumer durant les activités d'arrosage. Quant aux mesures visant la protection des consommateurs, elles ont trait à promouvoir la désinfection des légumes avant consommation. En effet, la majorité des ménages interrogés utilise l'eau de javel pour rincer les légumes consommés crus. Dans plus de 64 % des ménages interrogés, la désinfection à l'eau de javel des légumes crus avant leur consommation dure plus de 15 minutes. Elle dure moins de 5 minutes dans seulement 4,8 % des ménages. Le dosage utilisé est souvent d'environ 3 gouttes par litre d'eau de robinet, 3,2 milligrammes de chlore par litre. Les expériences au laboratoire ont montré que le dosage efficace avec de l'eau de javel à 8 degrés correspond à une concentration de chlore de 7,6 milligrammes par litre, soit une capsule, couvercle, de la bouteille d'eau de javel, soit environ 3 millilitres pour 10 litres, avec trempage dans l'eau javellisée pendant au moins 30 minutes. Par ailleurs, il faut au préalable laver à l'eau du robinet au moins 2 à 3 fois, et rincer à l'eau du robinet après désinfection. En conclusion, nous pouvons dire que la faiblesse de la disponibilité en ressource hydrique demeure une contrainte de taille, si bien que les eaux usées sont devenues une source importante d'approvisionnement en eau d'irrigation, ou tout au moins une source d'appoint pour compléter les besoins en eau. L'utilisation des eaux usées brutes n'est pas sans exposer à des risques sanitaires qui appellent l'urgence d'une réflexion destinée à l'analyse des conditions préalables à leur utilisation. Il apparaît clairement que le principe d'interdiction d'une utilisation des eaux usées n'est pas la solution idoine, tant il augmenterait la surveillance et la réglementation par rapport auxquelles les producteurs vont développer des stratégies de résistance et de contournement. Dès lors, il est important d'assujettir l'utilisation des eaux usées à des mesures d'accompagnement, en vue du respect des normes de qualité des produits. Au revoir, et à la prochaine leçon sur les enjeux fonciers de l'agriculture urbaine.